Le moïsme (墨家 Mòjiā), est une philosophie chinoise fondée par Mozi au cinquième siècle avant notre ère. À une époque où les guerres faisaient rage en Chine, il était profondément pacifiste et prônait une société égalitaire. Ce courant, extrêmement populaire à l'époque des Royaumes combattants, ne laissa que peu de traces dans la pensée chinoise après l'avènement de la dynastie Qin.
Le mohisme a présenté un défi à la pensée confucéenne dominante, en instant sur la nécessité de la piété individuelle et de la soumission à la volonté du Ciel, et en déplorant les rites et cérémonies funéraires élaborés de Confucius comme un gaspillage de fonds gouvernementaux qui pourraient être mieux utilisés pour le bien-être du peuple.<:p>
Les mohistes étaient favorables à une méritocratie dirigée par un monarque vertueux et à des fonctionnaires nommés en fonction de leurs capacités, sans considération de statut ou d'origine sociale. Ils prônaient également la pratique de l'amour universel, déclarant que le même degré de soin et de préoccupation ressenti pour les membres de la famille devait être étendu à l'ensemble de l'humanité.
Mencius a amèrement attaqué le concept d'amour universel, affirmant que cela était contre la loyauté familiale qui était au cœur de l'éthique confucéenne.
Le mohisme s'est développé à partir des enseignements de Mozi (墨子 Mòzǐ, littéralement « Maître Mo »), dont on sait peu de choses, pas même de quelle partie de la Chine il venait. Les textes des Qin (221-206 avant JC) et de la dynastie Han (206 avant JC - 220 après JC) énumèrent souvent Confucius et Mozi comme les deux grands enseignants moraux de l'ère des Royaumes Combattants.
Les mohistes sont surtout connus pour le principe du 兼愛 (jiān'ài), parfois traduit par « amour universel », c'est-à-dire qu'une personne doit se préoccuper de manière égale de tous les autres individus, quelle que soit leur relation réelle avec elle. Le mot chinois 愛 (ài) fait en fait référence à un éventail d'attitudes allant de l'affection forte à la préoccupation détachée.
Le mohisme soulignait que, plutôt que d'adopter des attitudes différentes envers des personnes différentes, l'amour devait être inconditionnel et offert à tous sans considération de réciprocité, et pas seulement aux amis, à la famille.
Cette croyance a constitué la base de l'éthique de Mozi, dans laquelle le comportement individuel d'une personne dicte son caractère et, par extension, la qualité de l'État. Si l'on est gentil et que l'on vit une existence harmonieuse, on attirera la gentillesse et l'harmonie à soi-même et, inversement, si l'on est méchant, on attirera une réponse similaire des autres.
Par l'amour et le partage de toutes choses, a-t-il affirmé, la Chine trouverait la paix et pourrait laisser les guerres derrière elle.
Ce plaidoyer pour un « amour impartial » a été la cible d'attaques de la part des autres écoles philosophiques chinoises, notamment les Confucianistes, qui estimaient par exemple que les enfants devraient éprouver un plus grand amour pour leurs parents que pour des étrangers choisis au hasard.
Mozi affirmait aussi que le comportement de chaque individu est le reflet d'un travail spirituel personnel tandis que Confucius soutenait qu'il est le résultat de rituels précis effectués d'une manière spécifique. Confucius croyait aussi que si l'on se comportait bien, conformément à la coutume acceptée, on deviendrait une bonne personne. Mozi soutenait quant à lui que l'observation du rituel et de la coutume ne pouvait pas rendre une personne bonne. Il fallait plutôt se consacrer à un travail personnel et spirituel, soumettant l'intérêt personnel pour le bien des autres, afin d'être considéré comme une bonne personne.
En plus de créer une école de philosophie, les mohistes ont essayé de réaliser leurs idéaux en formant une organisation politique hautement structurée.
Cette structure politique consistait en un réseau d'unités locales dans tous les grands royaumes de Chine de l'époque, elle était composés d'éléments de la classe scientifique et ouvrière.
La période des Royaumes Combattants s'est terminée par la victoire de l'État de Qin sur les six autres États et l'ascension du premier empereur de Chine, Shi Huangdi (221-210 avant JC.), qui peu de temps après son accession au pouvoir, a ordonné de bruler tous les livres qui ne soutenaient pas sa philosophie du légisme ni sa version de l'histoire de sa dynastie.
Les œuvres de Confucius, Mozi et bien d'autres ont été brûlées, mais les concepts confucéens ont survécu grâce à la généralisation de ses préceptes sous la dynastie Han. Le taoïsme a également survécu parce que ses préceptes étaient depuis longtemps enracinés dans la culture grâce à son association étroite avec le folklore et la légende.
Cependant, la philosophie de Mozi, qui n'avait jamais été aussi largement acceptée, a été largement oubliée, comme son nom l'appelait, au moment où l'empereur Han a fait du confucianisme la philosophie nationale de la Chine.
Le travail de Mozi a été plus ou moins ignoré jusqu'à ce que le Parti Communiste Chinois ravive l'intérêt pour celui-ci au milieu du 20e siècle de notre ère, reconnaissant en lui une sorte de vision protocommuniste. Aujourd'hui, il est reconnu comme l'un des plus grands philosophes de Chine.