Le système tributaire chinois et son engagement pacifique

Le système tributaire chinois : une approche diplomatique basée sur la paix

En tant que mode de relations internationales, le système du tribut, ou système tributaire, a joué un énorme rôle dans l'histoire de l'Asie, en particulier de l'Asie de l'Est. Ce système était la forme de conduite des relations diplomatiques et commerciales avec l'empire chinois jusqu'à la chute de la dynastie Qing en 1911. Sous son influence, une sphère culturelle s'est progressivement formée, avec les caractères chinois et le confucianisme en son cœur.

La Chine, centre du monde civilisé

Pendant des siècles, l'empire chinois a joui d'une grandeur et d'une autonomie pratiquement incontestées. La Chine se considérait comme le centre culturel de l'univers, un point de vue qui se reflète dans le concept de l'Empire du Milieu : c'est d'ailleurs le mot chinois pour la Chine (中国 Zhōngguó).

La Chine considérait la plupart des peuples non chinois comme des « barbares non civilisés ». Bien qu'elle ait parfois été envahie et dirigée par ces barbares, comme pendant la dynastie Yuan (1279-1368) et Qing (1644-1911), les non-Chinois ont généralement conservé suffisamment d'institutions chinoises pour maintenir une continuité de la tradition.

L'empereur chinois étant considéré comme le souverain de toute l'humanité en raison de sa supériorité innée ; les relations avec d'autres États ou entités étaient tributaires, plutôt que des relations d'État à État.

Les premiers Européens qui ont cherché à commercer avec la Chine, à partir du 16e siècle, ont été reçus en tant que missions tributaires et ont dû se conformer aux formalités et aux rituels de la cour chinoise. La perception de la Chine comme centre incontesté de la civilisation est restée fondamentalement inchangée jusqu'au 19e siècle, lorsque la dynastie Qing a commencé à se détériorer sous la pression de l'Occident.

Qu'est-ce que le système du tribut ?

Le système tributaire chinois date de la dynastie Han (202-220 avant JC). Il reflétait la vision chinoise du monde selon laquelle la Chine était le centre du monde, et que tous les pays désireux d'entretenir des relations avec la Chine devaient lui rendre hommage et être des États tributaires.

La base de ce système était l'acceptation de la supériorité culturelle chinoise. Les non-Chinois, s'ils étaient prêts à se rendre à la cour et à accomplir les rituels prescrits, pouvaient être acceptés dans la sphère de l'Empereur.

Les souverains ou les envoyés des États vassaux offraient un tribut ou des cadeaux et recevaient en retour le sceau de reconnaissance de l'Empereur Chinois ainsi que des cadeaux, généralement bien plus importants que le tribut.

système tributaire, kowtow
En guise de reconnaissance de la supériorité de la civilisation chinoise, les envoyés devaient également accomplir le « kowtow ». Celui-ci consistait en trois agenouillements et neuf prosternations ou inclinaisons de la tête vers le sol en présence de l'empereur.

Le système tributaire fournissait surtout à la Chine un moyen de réguler le flux de marchandises étrangères à travers les frontières impériales, afin d'identifier les partenaires commerciaux les plus avantageux.

Pour les États tributaires, le statut accordé cérémonieusement par la cour chinoise, leur ouvrait un accès commercial privilégié dans les ports chinois. Ce statut était avant tout protocolaire et n'impliquait pas nécessairement un contrôle politique fort.

La relation de la Chine avec les États vassaux ou tributaires était fondamentalement différente de la relation en droit international moderne dans laquelle un État souverain exige des droits réels sur un État sujet ou un protectorat.

La relation entre la Chine et ses États tributaires était essentiellement économique, se limitant à un échange de marchandises avec les commerçants chinois. La Chine recevait leurs hommage mais se concevait comme n'ayant aucune obligation réciproque et surtout ne faisait jamais d'ingérence dans leurs affaires quotidiennes.

Déclin du système tributaire

À l'époque impériale, les relations étrangères de la Chine ont varié d'une dynastie à l'autre, des périodes cosmopolites comme la dynastie Tang (618-907) aux périodes isolationnistes comme la dynastie Ming (1368-1644), où peu d'étrangers étaient autorisés à entrer dans le pays.

Dans l'ensemble, l'histoire de la Chine, qui a connu des siècles d'autosuffisance, a favorisé l'isolement, ce qui a contribué aux difficultés de la Chine face aux puissances occidentales expansionnistes au 19e siècle.

Entre 1655 et 1795, 17 missions des nations occidentales ont été reçues par les empereurs Qing. Mais ce style de relation internationale entre la Chine et les nations occidentales a pris fin en 1842 après la défaite de la première guerre de l'opium face à la Grande-Bretagne. La Chine a été progressivement réduite à une société semi-coloniale.

Alors que sa puissance s'effondrait précipitamment, la dynastie Qing plongea dans l'instabilité et le système des tributs commença à s'effriter.

Après la restauration Meiji, le Japon s'est progressivement transformé en un pays capitaliste, s'est livré à des agressions et à une expansion étrangère. L'annexion des îles Ryukyu par le Japon a entraîné de grands changements dans les relations internationales en Asie de l'Est, et a marqué le début de l'effondrement du système tributaire. Finalement, il connu sa fin après l'écrasante défaite du gouvernement Qing lors de la première guerre sino-japonaise (1894-95).

Le système des tributs chinois a finalement laissé la place au système des traités occidentaux. Il aura perduré plus de 2000 ans, c'est le plus long système de relations international qui ait existé dans le monde.

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Lorsque les îles Ryukyus ont été envahis par le Japon, la cour Qing n'a pratiquement rien fait pour remédier à la situation, exposant pleinement sa faiblesse dans les affaires diplomatiques et laissant les puissances impérialistes annexer ses États vassaux.

Mieux comprendre le système tributaire

Il est souvent présenté dans la littérature occidental comme un moyen pour la Chine d'assoir sa puissance auprès des Etats voisins et plus généralement dans toute l'Asie du Sud-Est. Or, la réalité est bien différente.

Même s'il n'est plus aujourd'hui qu'un souvenir du passé, le système du tribut reste ancré dans la culture de la civilisation chinoise. Il est avant tout caractéristique de la façon de penser chinoise et d'aborder les relations entre pays.

Le système tributaire est certainement bien plus civilisé que la pratique impérialiste consistant à contraindre la soumission par la force et à établir des colonies.

Ce qui est fondamental de comprendre avec le système tributaire, c'est qu'il donnait le droit de faire du commerce et non l'obligation de faire du commerce. Evidemment cela fait écho aux guerres de l'opium avec les Britanniques et la guerre commerciale avec les Etats-Unis.

L'ancien système commercial chinois était un système construit autour d'un droit mutuel de faire du commerce. La Chine échangeait des marchandises avec ses voisins ; en retour ses voisins ne menaçaient pas les frontières chinoises. La Chine souhaitait avant tout utiliser le commerce comme un moyen d'assurer sa sécurité contre les attaques des États voisins.

En ce sens, le système est un engagement pacifique et il est une des raisons principales des siècles de paix et de stabilité dans la région sous les dynasties Ming et Qing a apporté cinq .

La pensée occidentale assimile le tribut à une taxe payée par les États vassaux. Dans le système chinois, le tribut faisait partie d'un don réciproque : un processus qui définit encore aujourd'hui la plus petite des relations commerciales chinoises.

L'Empire Chinois et les Etats tributaires profitaient tous du système. Les influences chinoises dans toute l'Asie moderne ne sont pas le résultat de la contrainte ou de la colonisation. Elle n'est pas non plus le résultat de la diaspora chinoise qui, pour la plupart, est restée au bas de l'échelle de ses sociétés d'adoption.

L'influence aux niveaux supérieurs de la société résulte d'un désir historique de promouvoir la culture, la science et la société civile de la Chine en tant que première civilisation régionale depuis plus de 4,000 ans.

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