Au 18 siècle, la Chine était dirigée par la dynastie Qing. L'empire avait déjà amassé de grandes richesses grace au commerce international, notamment des produits de luxe tels que la porcelaine, de la soie et surtout du thé que les anglais importaient en grande quantité.
À cette époque, 400 millions de Chinois vivent en autosuffisante presque complète dans un immense territoire. La Chine n’a pas besoin de produits européens et n’en réclame pas.
Cela a évidemment créé un important déséquilibre commercial en faveur de la Chine et posait problème aux Britanniques qui avaient peu d’argent et beaucoup de marchandises en nature, venant principalement de leurs colonies aux Indes. Afin supprimer ce déséquilibre commercial, la Compagnie Britannique des Indes orientales a commencé à faire passer de grandes quantités d'opium en contrebande vers la Chine.
En un siècle, l'importation d'opium a été multipliée par 200. Cela a entraîné une fuite à grande échelle de l'argent chinois, la balance commerciale a s'inversa rapidement et spectaculairement en faveur de la Grande-Bretagne.
Premières mesures de prohibition de l'opium
Dès 1729, l'Empereur Yong Zheng promulgue l’interdiction du trafic d’opium, le considérant dorénavant comme un produit de contrebande. Mais comme le traffic continue, un nouvel édit est proclamé pour condamner les trafiquants d'opium à la peine de mort, ainsi que des sanctions contre les opiomanes.
En 1800, l’empereur proclame un troisième édit qui confirme à nouveau la prohibition de l’opium et interdit sa culture sur le sol chinois. A partir de 1809 les navires qui déchargent doivent fournir un certificat indiquant l’absence d’opium à bord. Mais la corruption régnant parmi les fonctionnaires fait que cette mesure n'est jamais appliquée.
A chaque nouvelle mesure prise par l'Empereur, les britanniques trouvaient une parade, déplaçant successivement de port de déchargement de l'opium de Canton, à Huangpu puis Lingding. Contournant délibérément l'interdiction de vente de l'opium, la Compagnie Britannique des Indes orientales profite d'un commerce très lucratif que rien ne semble pouvoir arrêter.
L'opium venu d'Inde étant revendu 10 fois son prix de revient, le commerce des britanniques devint alors largement excédentaire.
La drogue provoquait des ravages dans la population ; en 1835, il y avait 2 millions de fumeurs d’opium en Chine. Les Qing tentent de mettre un terme au commerce de l'opium, s'inquiétant de son impact social.
En 1836, le gouvernement chinois a fermé les fumeries d'opium et exécuté les trafiquants chinois. Mais le problème n'a fait que s'aggraver, et l'opinion était divisée.
- D'un côté ceux qui étaient attachés à cibler les consommateurs d'opium plutôt que les producteurs d'opium. La production et la vente d'opium devraient être légalisées, puis taxées par le gouvernement. Taxer la drogue la rendrait si chère que les gens devraient en fumer moins ou ne pas en fumer du tout. L'argent recueilli grâce aux taxes sur le commerce de l'opium pourrait aider le gouvernement chinois à réduire le manque à gagner et la fuite de l'argent ;
- Et ceux qui ont fait valoir que c'était avant tout une question morale. Si le commerce de l'opium et la dépendance qui en découlait ne pouvaient être supprimés, l'empire chinois n'aurait plus de paysans pour travailler la terre, plus de citadins pour payer les impôts, plus d'étudiants pour étudier, et plus de soldats pour se battre. Plutôt que de cibler les consommateurs d'opium, il fallait arrêter et punir les trafiquants.
Le second camp dirigé par Lin Zexu, un fonctionnaire chinois à la fois compétent et ambitieux, a remporté l'avantage. En 1839, il arrive à Canton pour superviser l'interdiction du commerce de l'opium et pour réprimer son utilisation. Il s'attaque au commerce de l'opium à plusieurs niveaux.
Les Britanniques ayant eux-mêmes interdit l'usage de l'opium dans leur propre pays, Lin Zexu a écrit en avril 1989 une lettre à la reine Victoria pour l'exhorter de mettre fin au commerce de l'opium, en soulignant son préjudice pour le peuple chinois.
Plus important encore, il arrêta plus de 1600 trafiquants chinois, saisit et détruisit des dizaines de milliers de pipes à opium. Il établit la liste de toutes les fumeries et confisqua tous les stocks de la ville. Les propriétaires ont obligation de remettre leur la drogue en échange de thé ; l'opium est ensuite détruit.
Il a également exigé que les entreprises étrangères, notamment les entreprises britanniques, lui remettent leurs stocks d'opium en échange de thé. Lorsque les Britanniques refusèrent de le faire, Lin arrêta tout commerce extérieur et mit en la zone quarantaine, les marchands étrangers étaient confinés. Au bout de six semaines, les marchands ont cédé aux exigences de Lin et ont remis plus de plus de 20,000 coffres d'opium.
Les troupes de Lin ont également saisi et détruit l'opium qui était détenu sur les navires britanniques. Enfin, il a fait pression sur les Portugais, qui avaient une colonie dans la ville voisine de Macao, pour qu'ils expulsent les Britanniques peu coopératifs, les obligeant à se rendre sur l'île de Hong Kong.
Prises ensemble, ces actions ont fait monter les tensions qui ont conduit au déclenchement de la première guerre de l'opium.
La réponse britannique
Pour les Britanniques, la destruction de l'opium par Lin était un affront à la dignité britannique et à leurs concepts de commerce. 300 sociétés commerciales ayant perdu de la marchandise, confisquée et détruite, demandent de l'aide à leur gouvernement, pour que les stocks d'opium détruits soient remboursés et que le commerce avec la Chine reprenne.
L'énorme valeur marchande de l'opium, et la colère des marchands en Chine, en Inde et à Londres lorsqu'ils ont découvert que leurs profits étaient détruits, ont donné aux politiciens britanniques l'excuse qu'ils cherchaient pour agir avec plus de force afin d'étendre les intérêts impériaux britanniques en Chine.
La guerre a éclaté officiellement en novembre 1839 lorsque des navires de guerre chinois se sont heurtés à des marchands britanniques.
Un débat a lieu en avril 1840 à la Chambre des communes entre les partisans d’opérations militaires pour la réparation des torts envers leurs commerçants et ceux qui veulent que le Royaume-Uni renonce à vendre de l’opium. Les premiers auront gain de cause. Au nom de la défense du commerce de cette drogue, un corps expéditionnaire est envoyé dans le port de Canton.
En avril 1840, l'amiral Elliot prend le commandement d'une armada de 16 vaisseaux de ligne, 4 canonnières, 28 navires de transport, 540 canons et 4 000 hommes. En juin 1840, tout cet équipage arrive au large de Canton.
Au cours des deux années suivantes, les forces britanniques bombardent des forts, mènent des batailles et s'emparent de villes et des principaux points stratégiques. Les troupes chinoises, utilisant des armes et des canons désuets, et avec des navires de guerre limités, furent largement inefficaces contre les Britanniques.
Traités de paix et conséquences économiques
Ecrasée, la Cour impériale de Chine se décide à signer un armistice le 27 mai 1841. Mais les britanniques veulent encore faire peur aux Chinois afin d’obtenir davantage avec une nouvelle négociation. Ils envoient un groupe de navire remonter le fleuve Yang Tsé jusqu'à Nanjing, obligeant l'empereur à capituler et à signer le traité de Nanjing le 29 août 1842.
Le traité de Nanjing donne aux britanniques le libre commerce de l'opium, mais pas seulement. Ils ont également fait valoir le droit au libre-échange à travers la Chine et ont négociés des avantages extraordinaires, notamment :
- Le gouvernement Qing doit céder l'île de Hong Kong à l'Empire britannique, qui devient ainsi une colonie de la Couronne ;
- la Chine a également été obligée de payer 21 millions de dollars en argent à la Grande-Bretagne à titre d'indemnité (notamment pour la drogue détruite), ce qui représentait un tiers des recettes annuelles du du gouvernement impérial ;
- Ouverture de 5 ports au commerce international : Shanghai, Guangzhou, Ningbo, Fuzhou et Xiamen. Les marchands étrangers y sont autorisés à commercer avec qui ils voulaient ;
- Les montants des douanes sont fixés par les britanniques et les Chinois ;
- En cas de litige entre Chinois et britannique, c'est la juridiction britannique qui s'applique, sur la base des lois britanniques ;
- Si la Chine signe un autre traité avec une autre nation, les privilèges accordés à cette autre nation seront automatiquement accordée aux britanniques.
Le traité de Nanjing a également mis fin au système de Canton, en place depuis le 17e siècle. Il a été suivi en 1844 par un système de traités inégaux entre la Chine et les puissances occidentales. Une fois que la Grande-Bretagne a ouvert la porte, la France et les Etats-Unis sont également venus frapper. Le traité de Nanjing a ouvert la Chine à tous.
La Chine a ainsi dû autoriser les puissances occidentales à s'installer à Shanghai, les occidentaux ont pu construire des églises et répandre le christianisme dans les ports conventionnés. L'impérialisme occidental et le libre-échange ont connu leur première grande victoire en Chine avec cette guerre et les traités qui en ont résulté.
Le traité de Nanjing a créé un nouveau cadre désavantageux pour les relations extérieures et le commerce extérieur de la Chine, qui durera près de cent ans et marquera le début du siècle d'humiliation de la Chine aux mains des puissances étrangères. La Chine a encore plus souffert après avoir perdu la deuxième guerre de l'opium.
Ce n'est qu'avec la rétrocession de Hong Kong en 1997 que la Chine a renversé la dernière des lourdes charges imposées par les puissances occidentales.
Quant à l'opium, rien ne semblait pouvoir arrêter ses ravages au sein de la société chinoise. Il n’était toujours pas légal mais toléré et son commerce doubla dans les 25 années qui suivirent.