Combien y a-t-il de centres de rééducation pour Ouïghours ?

La question des Ouïghours : combien sont-ils détenus dans les centres en Chine ?

Les centres de détention seraient l'exemple le plus extrême des politiques inhumaines de la Chine contre les Ouïghours. Des médias et instituts de recherche avancent entre 1 et 3 millions de personnes forcées à suivre des programmes d'endoctrinement, répartis dans tantôt 1000, tantôt dans 2000 de ces centres. Il s'agirait du plus grand internement de masse d'un groupe ethnique et religieux minoritaire depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le gouvernement chinois ne donne aucun chiffre, donc les journalistes ou chercheurs ne peuvent faire que des suppositions et des estimations. Et c'est bien là tout le problème.

Certains parlent de 1000 centres, en se basant sur des photos satellites montrant la construction de nouveaux bâtiments. Or, ces photos satellites ne montrent à chaque fois que des bâtiments vus de dessus, avec personne dehors. Les documents montrent un champ vide et l'année suivante plusieurs bâtiments sont apparus. Donc on présume que ce sont des camps pour des Ouïghours.

C'est une énorme supposition, car cela pourrait aussi bien être des usines de fabrication textiles ou de biens de consommation, des entrepôts.

L'économie chinoise a explosé, et si la partie Est du pays a d'abord profité de ce boum, le Xinjiang est en plein développement depuis quelques années. Et forcément, la région a besoin d'installations et de bâtiments pour assurer ce développement, mais aussi d'hôpitaux, d'écoles, etc.

Donc systématiquement déduire qu'à chaque fois que l'on voit des images satellites avec des terrains en friche et que quelques mois plus tard il y a un groupe de bâtiments à la place, c'est un camp pour les Ouïghours, c'est certainement un peu exagéré. Aucune des photos que l'on peut voir ne montre des personnes dans ces endroits, permettant d'en déterminer la fonction.

L'Agence France Presse a publié une enquête1 basée sur plus de 1,500 documents publics consultables en ligne pour déterminer qu'en octobre 2018 il y avait 181 centres implantés au Xinjiang.

Adrian Zenz, quant à lui, lance le nombre de 1200 dans un entretien au Washington Post2 sans pour autant expliquer comment il arrive à ce résultat.

Le Think Tank ASPI (Australian Strategic Policy Institute) maintient à jour le Xinjiang Data Project3 sur lequel il recense les sites identifiés comme étant des centres de détention de Ouïghours. L'organisation travaille à partir d'images satellites, faisant des comparaisons d'un même endroit à plusieurs années d'intervalle.

C'est ainsi que 380 centres de détention de Ouïgours auraient été identifiés grâce à ces images satellites4.

Si le site montre effectivement beaucoup de changements dans les infrastructures du Xinjiang, la conclusion reste toujours aussi hâtive. Chaque nouvelle construction ou agrandissement correspond forcément à un centre de détention.

Photos satellite de pretendus camps ouighours
Selon l'ASPI, ces seules photos satellite sont la preuve que ces batiments sont forcément des centres de rééducation pour Ouïghours

Les rumeurs5 vont même jusqu'à prétendre que la Banque Mondiale financerait ces centres, sous le couvert de la construction d'écoles dans le Xinjiang. La Banque Mondiale a envoyé des cadres supérieurs directement sur place. Leur conclusion6 est sans appel : l'équipe a effectué un examen approfondi des documents du projet, a engagé des discussions avec le personnel du projet et a visité les écoles directement financées par le projet, ainsi que leurs écoles partenaires qui ont fait l'objet d'allégations. L'examen n'a pas corroboré les allégations.

Alors que les satellites permettent aujourd'hui de quasiment voir l'heure sur la montre que porte une personne dans la rue, toutes les images qui devraient être considérées comme des « preuves » sont souvent floues, ne montrent aucun détail ni trace d'activité.

Le Global Times7 s'est « amusé » à mettre en regard les photos satellites de l'ASPI et des photos prises au sol. Des bâtiments qui avaient été identifiés comme des camps de rééducation ne sont en fait que des écoles ou des centres logistiques. Ces points ont désormais été retirés du Xinjiang Data Project.

Debunk que des images satellite sont des preuves de l'existance des centres de rééducation pour Ouïghours

Les allégations de l'ASPI sont ainsi à prendre avec des pincettes, surtout lorsque l'on étudie ses sources de financement. Alors que cet institut se dit « indépendant », il est en fait très largement subventionné par le Ministère de la Défense Australienne et le Département d'État américain.

Depuis sa création au milieu de 2001, il y a une déconnexion choquante entre les objectifs élevés d'indépendance exprimés dans la charte de l'ASPI et l'infiltration de l'ASPI par le tentaculaire complexe militaro-industriel, avec le développement de liens profonds avec les fabricants d'armes militaires les plus importants et les plus puissants au monde8.

Les fonds fournis par le Département d'État américain à l'ASPI sont principalement utilisés pour diffamer la Chine. Dans le rapport de financement du Think Tank, pour l'année 2020-20219, on notera que la subvention de 700,000$ fournie par le Département d'État américain a été utilisée pour divers projets du Centre International de Politique Cybernétique (CIPC), y compris « les projets relatifs aux droits de l'homme du Xinjiang, à la technologie chinoise et aux systèmes d'influence ».

Comment connaître précisément le nombre de centres de rééducation dans lesquels certains Ouïghours suivent un programme de déradicalisation ? La Chine ne communique pas sur ce point, qu'elle considère comme une affaire intérieure. Le seul moyen serait de se rendre dans chacun de ces endroits et de vérifier.

Toujours est-il que le nombre de 1000 centres semble complètement exagéré compte tenu de la logistique qui devrait être mise en place pour les gérer.

Ces centres existent et le gouvernement chinois reconnaît leur existence. Mais ce ne sont pas pour autant des « camps de concentration » dans lesquels le peuple Ouïghour serait torturé et privé de tous droits.

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Il faut aussi comprendre que le Xinjiang, et donc la Chine, a connu un grave problème de terrorisme qui a dû être résolu. Ces « camps » sont essentiellement des centres éducatifs pour donner aux Ouïghours des compétences linguistiques et techniques avec lesquelles ils pourront trouver un meilleur travail et avoir une meilleure vie en dehors de l'idéologie religieuse. Sans ces centres, il est probable que l'extrémisme religieux aurait eu une expansion significative et aurait continué à déstabiliser la région et tout le pays.

Références

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