Qui sont les Ouïghours, ces musulmans opprimés par la Chine ?

Les Ouïghours : un peuple aux riches héritages culturels

Les Ouïghours (维吾尔 wéiwú'ěr) sont régulièrement au coeur de l'actualité ; Pékin est accusé d'une répression sanglante envers ce peuple musulman vivant dans la région autonome du Xinjiang, à l'Ouest de la Chine. Enfermement dans des camps, stérilisation, travail forcé, ce génocide Ouïghour est dénoncé par les gouvernements occidentaux ainsi que de nombreuses associations. Mais pour bien comprendre (et démystifier) ces accusations, il est important de comprendre qui sont vraiment les Ouïghours

Les Ouïghours sont une ethnie chinoise très majoritairement musulmane sunite. On les trouve principalement dans la région autonome du Xinjiang, mais également dans une moindre proportion dans des pays voisins tels que le Kazakhstan, l'Ouzbékistan ou encore le Kirghizistan.

Les Ouïghours ont joué un rôle important dans les échanges culturels entre l'Orient et l'Occident. Ils sont aujourd'hui les héritiers du brassage culturel qui a eu lieu pendant des milliers d'années dans cette région. En raison de son emplacement, le long de l'ancienne route de la soie, le Xinjiang a une longue histoire de migration croisée par différents peuples.

Ils ont ainsi adopté une culture, une langue et une religion qui n'étaient pas forcément la leur à l'origine.

Le peuple Ouïghour, entre villes et campagnes

Il y a environ 12 millions d'Ouïghours, ce qui représente près de la moitié de la population du Xinjiang. En 40 ans, leur population a plus que doublée (elle était de 5,5 millions en 1980), et en tant que minorité ethnique les Ouïghours n'ont pas été soumis à la politique de l'enfant unique.

Nombre de Ouïghours vivent une vie tout à fait normale, faisant partie de cette « classe moyenne et supérieure musulmane ». Ils ont un travail, leurs enfants vont à l'école. Sans pour autant renier leur culture traditionnelle, ils s'intègrent également dans la culture chinoise, surtout les jeunes qui sont de plus en plus présents sur des réseaux sociaux tels que Douyin (que l'on connaît en France sous le nom de Tik Tok).

Des Ouïghours ont vraiment réussi en Chine. Nigermaidi Zechman est un célèbre animateur de la plus grande chaîne de télévision chinoise, CCTV. Mai Ziyan est une présentatrice très appréciée dans les programmes chinois. Dilraba Dilmurat fait partie de cette nouvelle génération d'actrices qui a joué dans de nombreux films et séries. Guli Nazha est à la fois mannequin et actrice.

Nigermaidi Zechman, Mai Ziyan, Dilraba Dilmurat, Guli Nazha
Nigermaidi Zechman, Mai Ziyan, Dilraba Dilmurat et Guli Nazha ne sont que quelques exemples de Ouïghours qui ont une brillante carrière à la télé ou au cinéma en Chine

Il y a également une importante classe ouvrière Ouïghoure, qui travaille dans des usines, des boutiques ou encore des restaurants.

Mais il y a surtout des Ouïghours vraiment très pauvres. Ils vivent principalement d'une agriculture saisonnière et leur éducation se limite la plus souvent à l'école primaire. Leurs enfants sont dans la rue, essayant eux aussi de gagner un peu d'argent, par exemple en triant ce qui peut être recyclé dans les ordures. La plupart de ces enfants ne savent ni lire, ni écrire, et ne parlent pas chinois. Leur possibilité de trouver un travail à l'âge adulte est ainsi très faible.

Le gouvernement chinois a entrepris depuis quelques années un vaste programme de construction d'écoles, d'accès à l'éducation, et de relogement des familles dans des habitations correctes. Certains vivent dans de endroits très reculés, où il n'est pas raisonnable de construire des routes et des infrastructures (écoles, hôpitaux) pour quelques familles. Le gouvernement leur propose alors de déménager dans des endroits plus accessibles, leur offrant une nouvelle maison et un travail. Entre 2014 et 2017, ce sont 1,8 millions de Ouïghours ont été sortis de la pauvreté1.

Augmentation du nombre d'enfants inscrits en école maternelle en Chine et dans le Xinjiang, entre 2015 et 2018

Ces enfants Ouïghours qui étaient le plus souvent dans la rue ont de plus en plus accès à l'éducation. Souvent ils ne parlent que le Ouïghour et dans ces écoles ils apprennent le chinois, ce qui leur donnera plus de possibilités de trouver un bon travail à l'âge adulte.

Plutôt que de souligner ces progrès, les médias diabolisent le Parti Communiste Chinois pour ces actions. L'école obligatoire et apprendre le mandarin serait, selon eux, un « génocide culturel ».

Enfin, certains Ouïghours vivent encore une vie nomade. Même si cette image semble romantique, c'est une vie très dure qui contraste avec notre société moderne. Pour les familles qui le souhaitaient, le gouvernement a là aussi offert une maison avec tout le confort moderne et un travail à ces familles.

Le Xinjiang, une région qui trouve enfin la voie de la modernité

Si l'Est de la Chine s'est fortement industrialisé et développé depuis les réformes d'ouverture de Deng Xiaoping au début des années 80, l'Ouest est resté quant à lui majoritairement agricole et sous-développé.

Le gouvernement chinois a ainsi s'est donné comme engagement d'augmenter le niveau de vie et éradiquer la pauvreté dans cette région. Cela passe aussi bien par le développement d'entreprises, mais également par des projets d'infrastructure, le développement des transports, du système de santé ou encore l'éducation. De nombreuses familles Hans ont été incitées à venir s'installer dans la région, et certains Ouïghours y ont vu une tentative de colonisation et de contrôle par Pékin.

Evolution de la population Ouïghoure et Han dans le Xinjiang, entre 1949 et 2018

Pourtant, réfléchissons quelques minutes. Est-ce que les Ouïghours, une population principalement paysanne, aurait pu mener ces projets de grande ampleur ? Évidemment non. On ne transforme pas immédiatement un paysan en médecin, instituteur ou chef d'entreprise. Il fallait absolument envoyer des personnes qualifiées dans le Xinjiang.

Ce sont donc des millions de Hans qui sont venus s'installer et développer des activités. Alors qu'ils représentaient moins de 6% de la population de la région en 1949, ils sont aujourd'hui presque aussi nombreux que les Ouïghours, mais principalement concentrés dans la partie Nord de la région.

Il s'est donc créé une fracture au sein de la région. Le Nord du Xinjiang, plus développé et plus riche, a profité à de nombreux Ouïghours qui ont vu leur vie radicalement changer, intégrant une nouvelle classe moyenne. Par contre dans le Sud, plus pauvre et plus agricole, les habitants ont eu l'impression d'être exclus du renouveau du Xinjiang. Une certaine frustration s'était alors installée au fil des années.

Evolution du PIB de la Région Autonome du Xinjiang, de 2010 à 2019

Le problème de l'islamisme radical au sein de la communauté Ouïghoure

Si aujourd'hui les Ouïghours sont une ethnie chinoise très majoritairement musulmane sunite, cela n'a pas toujours été le cas. Jusqu'au 11e siècle, ils étaient principalement bouddhistes, puis l'islam s'est installé durablement sous la pression turque.

À la fin du 20e siècle, une nouvelle tendance de l'islam, le salafisme, a émergé au Xinjiang, principalement parmi la population turque puis les Ouïghours. C'est à cette époque que Pékin a permis à des musulmans chinois le pèlerinage à La Mecque, en Arabie Saoudite. Là bas, certains ont appris le salafisme et, amoureux de l'idée d'une forme « pure » de l'islam, ont répandu ses enseignements chez eux.

Les salafistes ont tendance à prôner le panislamisme, et la création d'un califat pour gouverner le Xinjiang, indépendant de la Chine.

Le salafisme s'est progressivement répandu dans la partie Sud de la région. Les femmes ont notamment commencé à porter le voile intégral et les hommes à se laisser pousser une longue barbe.

Est-ce que le voile et la barbe font partie de la culture Ouïghoure ? Non, c'est une culture salafiste. Obliger les femmes à se couvrir complètement le visage, n'est pas une simple obligation religieuse. C'est également, et malheureusement, un symbole d'oppression et l’étendard d’un islam radical.

La pauvreté et le manque d'espoir en l'avenir est un vivier pour l'extrémisme religieux. Pour certains Ouïghours, la Chine était responsable de leur situation, et la voie du djihadisme, influencée par les Talibans ou Al-Quaida, s'est pour imposées comme étant la seule solution.

Depuis la fin des années 80, de nombreux attentats ont été commis avec pour objectif de faire du Xinjiang une région autonome, islamique et uniquement réservée aux Ouïghours.

Il est important de préciser que tous les Ouïghours ne sont pas des salafistes ni des terroristes ; il s'agit d'une petite minorité mais qui a su faire entendre sa colère au prix de la mort de centaines de personnes dans des attentats sanglants. Beaucoup de Ouïghours mènent une vie pacifiste, pratiquant un islam qui n'est pas extrémiste, et qui sont également les victimes de ces violentes attaques.

Crise des Ouïghours en Chine, entre mensonges et propagande
La crise des Ouïghours cristallise l'attention, les tensions entre Pékin et Washington sont de plus en plus tendues. Que se passe-t-il vraiment dans le Xinjiang ?

En 2014, le gouvernement chinois décide de mettre fin à ces attaques terroristes qui sèment la peur au sein du Xinjiang. Les personnes liées directement au terrorisme ont ainsi été mises en prison. Mais que faire de celles endoctrinées par le salafisme ? La solution choisie a été de créer des centres de formation au sein desquels ces personnes apprennent un métier et le chinois. L'objectif étant, à travers une éducation, de leur donner les moyens de trouver un travail et de leur offrir un avenir plus radieux que celui de l'islamisme radical.

Ouïghours, danse traditionnelle
La paix enfin retrouvée dans le Xinjiang, la florissante et colorée culture du peuple Ouïghour continue de s'exprimer

La communauté internationale a violemment dénoncé ces actions, parlant de génocide contre le peuple Ouïghour. La Chine a toujours nié avec véhémence ces accusations, insistant sur le fait qu'elle s'attaquait à l'extrémisme, tout en donnant aux minorités les compétences nécessaires pour trouver un emploi.

Ainsi, il ne s'agit pas tant de régler le problème du terrorisme, mais surtout de sortir les gens de la pauvreté en leur proposant un avenir qu'ils n'avaient pas.

La situation au Xinjiang s'est considérablement améliorée au fil des années. L'espérance de vie s'est allongée ; avec le développement de l'économie et du tourisme, les gens trouvent de meilleures opportunités d'emploi.

Références

Vous pourriez aussi être intéressés par ces articles

En poursuivant votre navigation, vous acceptez l'utilisation de cookies. En savoir plus.