Pourquoi la communauté internationale est divisée face aux Ouïghours ?

La communauté internationale divisée face aux Ouïghours

La Chine a justifié la création des centres de rééducation comme étant une réponse à une série d'attentats terroristes. Si les mesures prises par les autorités chinoises dans le Xinjiang ont suscité une condamnation d'une partie de la communauté internationale qui parle de génocide des Ouïghours, un grand nombre de pays soutient également les actions de la Chine.

Des déclarations successives aux Nations Unies sur la question des Ouïghours

En juillet 2019, les représentants des Nations Unies de 22 pays, pour la plupart européens, ont publié une lettre au Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies1 appelant la Chine à s'abstenir de la détention arbitraire et de la restriction de la liberté de mouvement des Ouïghours et des autres communautés musulmanes et minoritaires du Xinjiang. Ces 22 pays ont condamné la Chine pour la création de ces « camps », les abus des Droits de l'Homme et les conditions de détention terribles.

La réaction à cette lettre a été rapide. Quatre jours plus tard, 37 pays différents ont signé une lettre adressée au même conseil2, qui a rejeté le message du premier. Nous saluons les remarquables réalisations de la Chine dans le domaine des droits de l'homme », ont déclaré les signataires, qui ont ajouté que « la sûreté et la sécurité sont revenues au Xinjiang.

Selon l'agence Reuters3 qui a eu accès au document, la lettre de soutien salue ce qu'elle appelle les remarquables réalisations de la Chine dans le domaine des Droits de l'Homme.

Face au grave défi du terrorisme et de l'extrémisme, la Chine a entrepris une série de mesures de lutte contre le terrorisme et de déradicalisation dans le Xinjiang, y compris la mise en place de centres d'enseignement et de formation professionnelle.

Le document indique également que la sécurité est revenue au Xinjiang et que les droits fondamentaux des personnes de tous les groupes ethniques y ont été sauvegardés » et « qu'il n'y a pas eu d'attaque terroriste depuis trois ans.

Le 6 octobre 2020, l'ambassadeur allemand Christoph Heusgen a présenté une déclaration à l'ONU4 au nom de 39 pays, appelant la Chine à respecter les droits de l'homme, en particulier les droits des personnes appartenant à des minorités religieuses et ethniques, notamment au Xinjiang et au Tibet.

En retour, la représentante de Cuba aux Nations Unies, Ana Silvia Rodríguez Abascal, a lu une déclaration5 au nom de 45 pays pour défendre la politique chinoise.

Nous notons avec satisfaction que la Chine a pris une série de mesures en réponse aux menaces de terrorisme et d'extrémisme, conformément à la loi, pour sauvegarder les droits de l'homme de tous les groupes ethniques du Xinjiang. Il n'y a pas eu un seul attentat terroriste au Xinjiang au cours des trois dernières années.Ana Silvia Rodríguez Abascal, représentante de Cuba aux Nations Unies

Dans cette déclaration, Abascal souligne que la Chine maintient l'ouverture et la transparence en invitant, entre autres, plus de 1,000 diplomates, fonctionnaires d'organisations internationales, journalistes et personnes religieuses à visiter le Xinjiang, qui ont été témoins de la remarquable réussite de cette région.

En conclusion, Abascal insiste que sur les questions liées au Xinjiang, il est impératif de respecter les faits de base plutôt que de faire des allégations infondées contre la Chine et d'interférer en raison de motivations et de préjugés politiques.

carte monde, Xinjiang, politique internationale
D'un côté, les puissances occidentales critiquent la politique de la Chine dans sa gestion du terrorisme dans le Xinjiang, de l'autre une partie de l'Afrique et du Moyen-Orient soutient l'Empire du Milieu

Un examen attentif des différentes lettres révèle immédiatement la divergence géographique entre chaque liste. D'une part les États occidentaux, principalement en Europe, et d'autre part des nations africaines et moyen-orientales.

Il est important de noter que les déclarations dénonçant la politique chinoise ne comportent pas une seule signature d'un État à majorité musulmane, alors que ce devraient être les premiers à s'indigner d'un soi-disant génocide des musulmans dans le Xinjiang. Au contraire, parmi les pays qui supportent la Chine, se trouvent plusieurs pays musulmans, dont l'Arabie Saoudite et le Pakistan.

Une partie du monde n'a pas pris position ; ils ne condamnent ni ne défendent la Chine. Cela inclut de grands pays à majorité musulmane comme l'Indonésie et la Turquie et des puissances asiatiques comme l'Inde.

Il y a eu des déclarations AUX Nations Unies, mais pas de déclarations DES Nations Unies, et cela fait toute la différence.

Les Nations Unies ne se sont jamais prononcées officiellement sur la question des Ouïghours. Michelle Bachelet, Haut-commissaire aux Droits de l'Homme aux Nations unies, a déclaré que son bureau cherchait à accéder au Xinjiang pour vérifier les « rapports inquiétants » sur les camps de rééducation accueillant des minorités musulmanes, dont les Ouïgours.

Depuis 2019, l'ONU se dit « profondémment troublée » par la question des Ouïghours en Chine, mais sans n'avoir jamais envoyé une délégation au Xinjiang. La raison évoquée est que Michelle Bachelet aurait demandé « un accès significatif et sans entraves au Xinjiang ».

Pékin a toujours déclaré que toutes les parties, y compris l'ONU, étaient les bienvenues, pour autant qu'elles respectent les procédures de voyage appropriées. C'est à dire « éviter d'interférer dans les affaires intérieures et adopter une attitude objective et neutre ».

D'ailleurs, quel pays au monde accepterait qu'une délégation officielle de l'ONU puisse aller et venir librement sans être un minimum encadrée ? Aucun. Alors pourquoi la Chine le ferait ?

Le 14 décembre 2020, la Cour Pénale Internationale (CPI) s’est déclarée incompétente pour juger d’accusations de crimes contre l’humanité et de génocide portées par des Ouïgours.

L'ONU a jugé « profondément troublantes » les conclusions du soi-disant « Tribunal Ouïghour » tout en précisant que l'organisation onusienne n'a pas vérifié les conclusions du rapport. Dans ce rapport de 63 pages, les experts réunis à Londres ont indiqué n'avoir aucune preuve de massacre de la minorité musulmane Ouïghoure, mais que « les éléments d'un génocide intentionnel étaient pourtant établis ».

L'ONU a raison de prendre son temps de bien analyser le rapport, car le « Tribunal Ouïghour » n'est pas sans rappeler le « China Tribunal » qui s'était rassemblé pour juger les prétendues accusations de prélèvement d'organes sur les membres de Falun Gong. Les recettes sont finalement exactement les mêmes : quand on n'a pas de preuves, on les fabrique, puis on met en place un soi-disant « tribunal populaire indépendant » pour valider les accusations et les conclusions déjà clairement établies.

Pourquoi certains pays soutiennent la Chine ?

Chaque pays a ses propres raisons de signer ou non. Pour certains observateurs, le poids économique de la Chine est une préoccupation majeure, notamment ceux qui sont impliqués dans le projet des nouvelles routes de la soie, qui a le potentiel de transformer leurs économies, en les reliant aux marchés mondiaux plus efficacement qu'auparavant.

Cependant, cette vision est bien trop simpliste. Les pays participant aux nouvelles routes de la soie ont autant besoin de la Chine que la Chine a besoin d'eux, notamment pour ses approvisionnements en matières premières. Le monde n'a jamais été autant interconnecté et aucun pays ne peut plus se permettre de faire cavalier seul, tout-puissant soit-il.

Pour d'autres États, comme la Russie, l'Arabie Saoudite et la Corée du Nord, leur propre bilan en matière de Droits de l'Homme a été fréquemment attaqué à l'étranger, de sorte que la défense de la Chine devient certainement un moyen détourné de se défendre.

Le silence relatif de la communauté internationale est cependant plus que le reflet d'une simple dépendance à l'égard de la Chine. La liste des pays qui soutiennent la politique de Pékin dans le Xinjiang comprend des États qui ne font pas partie de la sphère d'influence traditionnelle. Ce qui les rapproche des autres est plus simple : ils sont « désignés » comme autoritaires. Tandis que les pays signataires critiquant la Chine sont tous des démocraties libérales.

Ces mêmes pays qui considèrent leur système comme universel et qui en même temps sont incapables de faire face au terrorisme.

Mise en place de sanctions contre Pékin

Les Etats-Unis, qui se sont toujours considérés comme principal protecteur mondial des Droits de l'Homme, n'ont pris position que tardivement, avec la déclaration de l'ambassadeur allemand Christoph Heusgen. Le 3 décembre 2019, la Chambre des représentants américaine a adopté un projet de loi6 demandant au président Trump de sanctionner les hauts fonctionnaires chinois responsables de la politique du Xinjiang.

Hua Chunying, Ministère chinois des affaires étrangères, Xinjiang, Ouïghours
La porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Hua Chunying, exprime sa forte indignation de la Chine et sa ferme opposition à l'adoption d'un projet de loi sur les questions liées au Xinjiang par la Chambre des représentants des États-Unis.

En réaction, l'Association Islamique Chinoise a exprimé sa forte indignation7 : Nous exhortons les États-Unis à respecter les faits et à cesser d'utiliser les questions religieuses ou relatives aux droits de l'homme pour s'ingérer dans les affaires intérieures de la Chine et blesser le peuple Chinois .

L'Association Islamique du Xinjiang a également exprimé sa ferme opposition à ce projet de loi8, rappelant que C'est nous, les musulmans du Xinjiang, qui avons le droit de faire valoir nos propres droits de l'homme, et en concluant que le Xinjiang a maintenu la prospérité et la stabilité, l'unité ethnique et l'harmonie religieuse pendant trois années consécutives. C'est la réponse la plus puissante à vos remarques calomnieuses.

Évidemment, certains médias ne manquent pas de dire que derrière les déclarations de ces associations, c'est la voix du gouvernement chinois qui parle, et qu'elles ont été contraintes sous peine de sanctions. Cela n'en reste pas moins que ces associations disent clairement aux Etats-Unis de s'occuper de leurs propres affaires, car ils ne savent pas ce qui se passe vraiment au Xinjiang de laisser le peuple Ouïghour décider quelles sont les violations des droits de l'homme dont il est victime.

La tension monte progressivement depuis plusieurs mois. Le 22 mars 2021, les Etats-Unis, le Canada et l'Union Européenne ont sanctionné la Chine pour la persécution des musulmans Ouïghours9, et Pékin a immédiatement riposté avec des sanctions contre une dizaine de personnalités européennes. De chaque côté, les sanctions sont considérées comme inacceptables.

En décembre 2021, face aux accusations de travail forcé dans le Xinjiang, Joe Biden a signé une loi10 qui interdit « les importations en provenance de la région autonome ouïgoure du Xinjiang et impose des sanctions aux personnes étrangères responsables du travail forcé dans la région ». Le coton est particulièrement ciblé. La réponse de la Chine ne s'est pas fait attendre ; Pékin a immédiatement fustigé le texte américain, accusant les Etats-Unis de « violer le droit international et de calomnier la Chine ».

Bien que le travail forcé dans le Xinjiang soit surtout une invention de Adrian Zenz et n'ait jamais été prouvé, les Etats-Unis profitent de ce prétexte pour tenter de fragiliser l'industrie textile en Chine.

De façon plus globale, la politique américaine vis-à-vis de la Chine a toujours été une stratégie d'endiguement afin de limiter l'influence chinoise dans le monde. La même stratégie mise en place après la seconde guerre mondiale pour stopper l'extension de la zone d'influence soviétique.

Les Américains essayent également d'enrôler, au nom de la démocratie, les pays autre occidentaux dans leur croisade contre Pékin. Heureusement, les pays européens semblent ne pas suivre cette voie. Alors que les Etats-Unis et le Japon font un boycott diplomatique des Jeux olympiques d'hiver 2022, l'Union Européenne semble rester plus en retrait de cette décision.

À qui profite cette division du monde ?

Les pays occidentaux ont d'ailleurs tout à gagner à diaboliser la Chine pour ces actions. S'ils imposaient à la Chine de fermer les centres, les attaques terroristes reprendraient. Lorsque vous voulez empêcher un pays de devenir trop puissant, un des meilleurs moyens est de faire en sorte qu'il y subsiste des tensions internes, ce qui monopolise une partie de l'énergie du pays.

Si la Chine continue dans sa politique de centres de rééducation, alors l'occident peut continuer à dépeindre la Chine comme un monstre, et à soutenir des tentatives de changement de régime vers un modèle démocratique à l'occidental.

Sommes-nous à l'ère d'une nouvelle guerre froide, avec une situation dans laquelle la Chine est la mauvaise élève qui ne respecte pas les droits de l'homme ?

La Chine donne l'impression d'être une société très oppressive, avec une liberté d'expression limitée. Les pays asiatiques ont tendance à être comme ça, car ils ont une culture différente, une façon de penser différente. C'est très difficile pour les deux parties de s'entendre, de se comprendre, c'est presque impossible. La Chine ne fait pas les choses comme les pays occidentaux, ce qui donne l'occasion à ces derniers de faire une propagande anti-chinoise.

Crise des Ouïghours en Chine, entre mensonges et propagande
La crise des Ouïghours cristallise l'attention, les tensions entre Pékin et Washington sont de plus en plus tendues. Que se passe-t-il vraiment dans le Xinjiang ?

Indépendamment des décisions politiques des États-Unis, la puissance de la Chine sur la scène internationale ne cesse cependant de s'accroître. Cette crise des Ouïghours permet d'apercevoir un avenir possible dans lequel les perspectives de la Chine en matière de non-ingérence politique, économique ou de Droits de l'Homme rivaliseront sur un terrain plus équitable que l'ordre mondial actuel dirigé par les États-Unis.

Références

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