Contexte historique et attentes de la société chinoise
Pendant des siècles, la culture chinoise a accordé une grande importance au mariage et à la famille. Selon la répartition traditionnelle des rôles, les hommes sont les soutiens de famille et les protecteurs, tandis que les femmes sont censées être des épouses obéissantes et des mères dévouées. Le confucianisme, élément fondamental de la culture chinoise, souligne l'importance de maintenir des relations familiales harmonieuses et d'adhérer à des hiérarchies sociales bien définies.
La piété filiale, valeur fondamentale du confucianisme, met l'accent sur le devoir et le respect que les enfants doivent à leurs parents. Elle est profondément ancrée dans la culture chinoise et façonne divers aspects de la vie, y compris les attentes à l'égard du mariage. Dans ce contexte, le mariage n'est pas seulement une union entre deux personnes, mais aussi une union entre deux familles.
Traditionnellement, les parents jouaient souvent un rôle important dans le choix du conjoint de leurs enfants, privilégiant le statut social et la stabilité financière à la compatibilité et au bonheur personnels.
Introduite en 1979, la politique de l'enfant unique visait à contrôler la croissance démographique de la Chine. Toutefois, cette politique a eu plusieurs conséquences inattendues, notamment un déséquilibre important entre les sexes en raison d'une préférence culturelle pour les enfants de sexe masculin. En conséquence, la Chine compte aujourd'hui des millions d'hommes de plus que de femmes, ce qui entraîne une concurrence accrue entre les hommes pour trouver une épouse convenable. Cette situation a exercé une pression énorme sur les femmes pour qu'elles se marient et remplissent leurs rôles traditionnels d'épouses et de mères, exacerbant ainsi la stigmatisation à laquelle sont confrontées les Sheng Nu.
Malgré ces influences historiques et sociétales, les femmes chinoises modernes choisissent de plus en plus de remettre en question ces attentes et d'assumer leur indépendance.
Les Sheng Nu, les « Catherinettes chinoises »
Le phénomène des Sheng Nu n'est pas sans rappeler certains aspects de la culture française. Il n'y encore pas si longtemps, les filles de 25 ans qui n'étaient pas encore mariées étaient stigmatisées. Dans la littérature classique, Balzac, dans son roman La femme de trente ans, considérait même que passé 30 ans, une femme n'était plus désirable pour les hommes.
Le 25 novembre de chaque année était considéré comme une date maudite pour celles qui avaient 25 ans ou plus et n'avaient point encore trouvé de mari. Elles devaient alors porter de ridicules chapeaux jaunes et verts.
La tradition des catherinettes s'est heureusement essoufflée dès les années 70.
La réalité de Sheng Nu
Les femmes Sheng Nu ont diverses raisons de ne pas se marier, qui découlent souvent d'un désir de développement personnel, d'indépendance et d'épanouissement. Certaines donnent la priorité à leur éducation et à leur carrière, reconnaissant que le mariage et la maternité peuvent limiter leurs possibilités d'avancement professionnel. D'autres ont été témoins de mariages malheureux chez leurs parents ou leurs amis et préfèrent éviter les pièges potentiels d'un mariage inadapté.
Malgré leur détermination à défier les normes traditionnelles, les femmes Sheng Nu sont confrontées à de nombreux défis, notamment la pression de la société, les critiques des membres de la famille et parfois la discrimination sur le lieu de travail. Il est fréquent que ces femmes soient confrontées à des questions indiscrètes sur leur statut matrimonial lors de réunions de famille et d'événements sociaux. Certaines vont même jusqu'à louer les service d'un faux petit-ami le temps du réveillon du Nouvel an chinois, pour faire taire les commérages.
En outre, certains employeurs peuvent hésiter à embaucher ou à promouvoir des femmes Sheng Nu, craignant qu'elles ne finissent par quitter leur emploi pour se marier et fonder une famille. Malgré ces obstacles, les femmes Sheng Nu persévèrent et acceptent de plus en plus leurs choix comme un symbole d'autonome et de liberté personnelle.
La Sheng Nu, symbole d'indépendance et de changement
Les femmes qui font le choix d'être célibataires repoussent avec audace les attentes traditionnelles qui pèsent sur elles. Elles poursuivent des études supérieures, mènent des carrières brillantes et participent activement à la vie de la société. Ce faisant, elles redéfinissent ce que signifie être une femme chinoise moderne et remettent en question l'idée que la valeur d'une femme est uniquement définie par son statut matrimonial.
De plus en plus de femmes chinoises s'affranchissent des contraintes sociétales et remportent des succès remarquables dans divers domaines.
Cette réussite n'est pas seulement valorisante pour les personnes concernées, elle est aussi une source d'inspiration pour d'autres femmes en Chine. Qu'il s'agisse d'entrepreneuses dans le domaine de la technologie ou de politiciennes influentes, ces femmes pionnières démontrent qu'il est possible d'exceller professionnellement tout en conservant son autonomie personnelle et son bonheur.
Le phénomène Sheng Nu gagne progressivement en reconnaissance et en soutien au sein de la société chinoise. De plus en plus de femmes choisissent de donner la priorité à leurs aspirations personnelles plutôt qu'aux attentes traditionnelles, et elles incitent les autres à faire de même. En partageant leur histoire, elles aux autres les moyens de défier les normes sociétales et de créer un avenir dans lequel les femmes chinoises pourront pleinement s'assumer sans craindre d'être jugées ou discriminées.
Le rôle des médias dans la perceptions des Sheng Nu
Les médias chinois ont joué un rôle important dans la perpétuation et la remise en question du stéréotype Sheng Nu. D'une part, les émissions de télévision et les films dépeignent souvent les femmes non mariées comme désespérées, solitaires ou imparfaites, renforçant ainsi les attentes traditionnelles. D'autre part, on assiste depuis peu à une montée en puissance des contenus qui remettent en question ces récits, en présentant les femmes Sheng Nu comme des personnes fortes, indépendantes et prospères.
Les médias sociaux ont fourni une plateforme aux femmes Sheng Nu pour partager leurs histoires, se connecter avec des personnes partageant les mêmes idées et construire des communautés de soutien. Grâce à des plateformes telles que Weibo et WeChat, ces femmes peuvent discuter ouvertement de leurs expériences, remettre en question les stéréotypes et s'opposer à la pression sociale.
Les médias sociaux ont contribué à sensibiliser un public plus large au phénomène Sheng Nu, suscitant d'importantes conversations et favorisant une meilleure compréhension.
Plusieurs femmes chinoises ont contribué à changer l'attitude du public à l'égard du Sheng Nu. Par exemple, la célèbre animatrice de télévision et journaliste Yang Lan a parlé ouvertement de son soutien aux femmes Sheng Nu et de l'importance de privilégier le bonheur personnel plutôt que les attentes de la société. De même, l'actrice et réalisatrice Xu Jinglei a utilisé sa plateforme publique pour remettre en question les rôles traditionnels des hommes et des femmes et défendre les droits des femmes. Ces personnalités influentes jouent un rôle crucial dans l'évolution des perceptions sociétales et dans la promotion d'un environnement plus inclusif et plus favorable aux femmes Sheng Nu.
Les Sheng Nu de Chine défient ainsi les attentes traditionnelles en choisissant de ne pas se marier. Ces femmes remettent en question des normes culturelles établies de longue date et redéfinissent ce que signifie être une femme chinoise accomplie et épanouie. Le phénomène transforme progressivement la société chinoise en suscitant d'importantes discussions sur les rôles des hommes et des femmes, la liberté personnelle et le bonheur.